Le vendredi 24 mars 2023 de 10h à 17h, Matières critiques pour masse critique, une journée d'étude avec Amilcar Packer.
Cette journée d'étude est proposée dans le cadre de l’exposition collective Les quatre points cardinaux sont trois: le sud et le nord, commissariée par Amilcar Packer, présentée au CRAC Alsace jusqu’au 26 mars 2023.
Pour participer, veuillez vous inscrire auprès de Richard Neyroud à l'adresse r.neyroud@cracalsace.com.
Matières critiques pour masse critique compose le programme public associé à l’exposition Les quatre points cardinaux sont trois: le sud et le nord. Ce programme a déjà compté la projection du film Le Bouton de nacre du réalisateur chilien Patricio Guzmán suivie d'une conversation avec Emma Malig au cinéma Le Palace, à Mulhouse, et la lecture en ligne de Tarot proposée par Denise Ferreira da Silva et Arjuna Neuman, en rapport avec leur film Soot Breath—Corpus Infinitum, actuellement présenté dans l’exposition et qui peut également être visionné en ligne sur le site internet du CRAC Alsace. Matières critiques pour masse critique marque la clôture de l’exposition en proposant une journée d’étude avec Amilcar Packer le vendredi 24 mars entre 10h et 17h, suivie d’une rencontre et d’une visite d’exposition le dimanche 26 mars à 15h.
En physique nucléaire, la notion de «masse critique» est définie comme la plus petite quantité de matière fissile nécessaire pour obtenir une réaction nucléaire en chaîne. Dans le domaine des sciences humaines, l'expression est couramment utilisée pour décrire, principalement en termes statistiques et quantitatifs, un seuil déterminant le nombre suffisant de personnes qui adoptent un terme, une idée, un concept, une technologie et/ou une pratique pour qu'elle forme des communautés d’usagers et de discussion collective. On utilisera la notion de «masse critique» non pas comme quelque chose qui se résume à un seuil, à des modèles quantitatifs et statistiques, ou à des notions de développement. Mais plutôt comme une manière d'aborder la dimension matérielle de l'épistémologie dans une perspective de transformations sociales émancipatrices. Nous espérons que le déploiement de «masse critique» contribuera aussi à compléxifier la notion d'onto-épistémologie de sorte à envisager les changements épistémologiques nécessaires pour affronter la matrice coloniale, raciale et cishétéropatriarcale de violence structurelle et systémique.
Nos discussions iront contextualiser et déployer une approche de l'art en tant que pratiques basées sur la recherche, enchevêtrées avec la philosophie, et engagées dans des luttes sociales et politiques; donc inséparables des débats théoriques historiques et des pratiques dans auxquelles nos études espèrent participer. Nous esquisserons également la portée et les limites de nos propositions, pour exposer des outils poétiques et conceptuels présents dans Les quatre points cardinaux sont trois: le sud et le nord. La notion de «matières critiques» vise à faire, à la fois, référence à la «criticité» ancrée dans la matière et à son caractère intrinsèquement épistémologique. Nous aborderons donc le terme matière comme étude ainsi que les études de la matière. Notamment, par une approche de la fondation du monde dans lequel nous vivons par la matrice coloniale, raciale, cishétéropatriarcale et la violence sociale systémique. La matière nous rappelle que nos recherches ne traitent pas de sujets/objets mais de personnes, de groupes, de communautés, du tissu de la vie, et de leur destruction, de leur assujettissement et de leur mise à mort. Les matières critiques impliquent une masse critique.
La journée d’étude consistera en une présentation de la notion de colonialité, notamment à partir des lectures féministes de María Lugones du concept de «colonialité du pouvoir», ainsi que proposée par Aníbal Quijano, qui affirme, entre autres, «l'inséparabilité» de la modernité d'avec la colonialité, la formation de la première identité moderne à partir du processus de racisation, et la dépendance du développement matériel de l’Europe à l’exploitation des colonies. La racialité et/ou la violence raciale seront principalement abordées à partir des écrits de Denise Ferreira da Silva. La lecture de Judith Butler de la performativité du genre complétera également notre approche de la matière et de l'onto-épistémologie. Notre compréhension de la violence sera également informée par des lectures de Walter Benjamin, notamment à partir de son concept de «constellation» et l’«iterabilité» de Jacques Derrida. Peter Fitzpatrick infuse notre compréhension des fondements mythiques du droit, de la justice et de la violence qui leurs sont inhérentes. Le travail d'Iris Marion Young sera fondamental pour prototyper notre approche de la justice sociale, notamment au-delà du modèle distributif, par sa mise en forme de la «politique de la différence». La compréhension de Karen Barad de la diffraction et de l'intrication, et son concept d'intra-action fourniront également des outils d'importance critique. Les travaux de l’écrivain mapuche Elicura Chihuailaf Nahuelpan, ainsi que les œuvres et objets présentés dans l’exposition, notamment les travaux d’Ayrson Heráclito, Anita Ekman, Denise Ferreira da Silva et Arjuna Neuman, Ana Mogli Saura, Carla Zaccagnini, Runo Lagomarsino, Emma Malig, Raúl Zurita, Sheroanawe Hakihiiwe, Sérgio Pukimapɨweiteri Yanomamɨ, Mauricio Iximawëteri Yanomamɨ, ainsi que le travail collaboratif d’Arely Amaut et Radio Apu, et la plateforme Ventres de la Forêt Atlantique conjugueront les dimensions poétiques et critiques convergeant pour présenter l'art comme une pratique basée sur la recherche dans son enchevêtrement avec la justice sociale transformatrice.