À partir du 23 avril 2020, La cabeza mató a todos (2014), un film de Beatriz Santiago Muñoz, accessible en ligne dans le cadre du programme Windows (18 rue du Château).
Retrouvez le film sous-titré en français et en anglais en bas de page.
La cabeza mató a todos (La tête a tué tout le monde) est un film que nous avons présenté dans l’exposition collective Le jour des esprits est notre nuit, commissariée en collaboration avec Catalina Lozano en 2019. Les artistes y expérimentaient des pratiques et des récits alternatifs où la division séculaire entre le visible et l’invisible s’estompait au profit d’une fluidité entre les différents plans de réalité que la modernité tient fermement séparés.
«Dans La cabeza mató a todos, Beatriz Santiago Muñoz livre la description visuelle d’une conjuration, des instructions à suivre pour détruire la machine de guerre. Les mécanismes de production et de reproduction des images en mouvement sont incorporés à la logique de la pièce, où nous entendons une voix—celle de Mapenzi Chibale Nonó—, même si nous ne savons pas si c’est le chat qui parle, ou Mapenzi à travers le chat. La cinéaste Maya Deren n’a pas eu d’autre choix que d’admettre que son film sur la «danse» vaudou en Haïti était un échec. Loin d’être une simple danse, ce rituel mobilisait par le mouvement des éléments bien plus complexes—une complexité que sa caméra n’avait pas réussi à saisir. Deren décida donc d’écrire un livre à la place. Santiago Muñoz semble reprendre les choses là où Deren les a laissées, et intègre la caméra au fonctionnement et à la représentation de la conjuration», Catalina écrivait-elle.
Quel rôle la caméra joue-t-elle dans ce rituel? Quelles alliances forme-t-elle avec le chat, Mapenzi Chibale Nonó, les plantes, la musique, les insectes, la parole? Comment transforme-t-elle la perception, en travaillant au-delà de ce qui peut être vu?
«Le rituel, dit Beatriz Santiago Muñoz, partage avec l'art le possible des positions multiples depuis lesquelles percevoir l'expérience. Dans le rituel, cette multiplicité est évidente. Mais l'expérience de l'art a été si violemment tournée vers l'expérience du spectateur que nous parlons rarement des aspects de la pratique artistique qui sont perçus depuis d'autres positions. (...) Lorsque nous regardons la pratique artistique sous l'angle du rituel, nous pouvons ouvrir l'art à des positions au-delà de celles du spectateur. Qu'en est-il de la transformation du sujet, de la poiesis, des états hyper-sensoriels qui permettent de faire bondir la pensée? Dans le rituel, on peut être un expert lucide, un fou visionnaire, un enfant, un maître des objets et des formes ou une personne possédée. (...) Si, par exemple, nous parlons du film en tant que rituel, de la caméra en tant qu'objet rituel, du temps et de l'espace de fabrication du film en tant que temps et espace du rituel, et des processus de l'art en tant que processus qui transforment la perception et la conscience, tout comme le rituel, où redirige-t-on notre attention?»*
Elfi Turpin
* Beatriz Santiago Muñoz, «La cabeza mató a todos», in A Universe of Fragile Mirrors, Miami, Pérez Art Museum, 2016, p. 125.