Du 7 avril au 14 mai 2020, サボテンとの会話 Conversation avec un cactus (2017), un film d'Élise Florenty & Marcel Türkowsky, accessible en ligne dans le cadre du programme Windows (18 rue du Château).
Le film Conversation avec un cactus a été projeté le 15 mars 2018 au Cinéma Palace Lumière, à Altkirch, lors de l'exposition collective IL PLEUT, TULIPE. À ce moment, nous avions réussi à faire circuler une rumeur, celle d'un scientifique japonais qui dans les années 70' aurait inventé une machine qui permettrait de communiquer avec un cactus, le Dr. Ken Hashimoto. Nous avions dispersé 46 idéogrammes hiraganas—l'une des quatre écritures du japonais avec les katakanas, les rōmajis et les kanjis—comme invitations à l'exposition réalisées sous la forme de cartes colorées dont le design avait été conçu par Charles Mazé et Coline Sunier. Ceux-ci s'étaient directement inspirés du film d'Élise Florenty & Marcel Türkowsky, dont on présentait un autre de leur film au sein de l'exposition: Shadow-Machine, réalisé lors du même tournage au Japon. Durant les trois mois d'exposition, nous parlions de Conversation avec un cactus sans la présence du film, alors que son aura était bel et bien là.
Pris dans un engrenage qui transforma la fable scientifique en farce médiatique, le Dr. Hashimoto expliqua comment un incident anodin changea sa vie: «Je marchais dans un champ de cactus. Je me suis penché pour cueillir un bourgeon, et soudainement... le cactus m'a attaqué! Il a ressenti la douleur! Dès lors j'ai réalisé que les plantes étaient des êtres animés. J'ai donc recherché comment manifester la conscience des plantes. Lorsque le cactus ressent une émotion, l'aiguille fait entendre sa voix».
Le 4D Meter Deluxe fut inventé. Il permettait de traduire en ondes sonores le langage et les émotions du cactus. Un détecteur de mensonges avait été transformé en objet de communication avec le monde végétal: de la quête de vérité vers une communication interspécifique. Cette découverte devenue très populaire au Japon et dans le monde, notamment à travers la publication de The Secret Life Of Plants (1973) de Peter Tompkins et Christopher Bird, a donné une voix planétaire au cactus* lui reconnaissant sa propre subjectivité.
Élise Florenty & Marcel Türkowsky sont allés à la rencontre de cette rumeur, se rapprochant des lieux témoignant de la recherche, explorant le laboratoire du Dr. Hashimoto et les sites environnants. À Tokyo, il y avait l'ombre de l'accident nucléaire de Fukushima et nombreux·ses sont ceux·celles qui parlaient de la mort suspicieuse de Masaki Iwaji, journaliste de la télévision nationale japonaise ayant travaillé sur la tragédie. Dans la presse scientifique, on observait les mutations des ailes de papillons dues aux radiations**. Les ailes de papillons étaient motifs à spéculations. Toutes ces rumeurs ont commencé à s'entrelacer dans ce rapport étrange à la vérité associant les expériences du Dr. Hashimoto aux informations récentes.
Élargir la réalité est ce que nous tentons de mener—artistes, commissaires, médiateur·trice·s, publics—dans un dialogue permanent les un·e·s avec les autres. La possibilité de communiquer avec un cactus renvoie à ce désir puissant de s'exprimer avec de nouveaux interlocuteurs, de démultiplier les potentiels du langage. C'est penser le cactus dans de nouvelles interactions avec l'humain. C’est tendre à une horizontalité entre les êtres. Conversation avec un cactus nous donne ainsi à voir les possibilités multiples d’établir un contact avec nos proches et de redéfinir les futurs dans la relation au vivant.
Rappelons-nous: «We are all cactuses».
Antoine Aupetit & Richard Neyroud
* 'Mrs. Hashimoto and Her Plants': https://www.youtube.com/watch?v=sWRgaNV8s7w
** Atsuki Hiyama, Chiyo Nohara, Seira Kinjo, Wataru Taira, Shinichi Gima, Akira Tanahara & Joji M. Otaki, ‘The biological impacts of the Fukushima nuclear accident on the pale grass blue butterfly’, article scientifique publié le 9 août 2012, Scientific Reports: https://www.nature.com/articles/srep00570