Le mardi 29 novembre 2016 à 18h, conférence Traces du réseau de Fernand Deligny 1969-1979 par Sandra Alvarez de Toledo, éditrice et fondatrice des éditions L’Arachnéen.
Avec les lignes d’erre, il s’agissait notamment de contourner les malentendus par un renversement de perspective, c’est-à-dire de substituer au point de vue des parlants, le «point de voir» des mutiques—autrement dit d’observer l’étrange tête du monde de la parole depuis celui du silence—pour permettre une vie commune en dehors du langage. Ces dessins ont été réunis et édités par Sandra Alvarez de Toledo au sein de l’ouvrage Cartes et lignes d’erre, Traces du réseau de Fernand Deligny, 1969—1979 aux éditions L’Arachnéen en 2013.
Sandra Alvarez de Toledo est éditrice et fondatrice des éditions L’Arachnéen, projet débutant en 2007 avec la publication d’un important volume de 1850 pages des «œuvres presque complètes» de Fernand Deligny, puis, l’année suivante, avec l’édition d’un second recueil intitulé L’Arachnéen et autres textes, composé de l’essai ayant donné son nom à la maison d’édition, ainsi que de plusieurs autres textes autour de la notion de réseau. À l’origine de la redécouverte et de la diffusion de l’œuvre de Fernand Deligny et du réseau des Cévennes, elle nous parlera en particulier de la publication des cartes et lignes d’erre rassemblant les dessins et leurs descriptions rédigées d’après des entretiens avec leurs auteurs.
«Il était essentiel de donner ces cartes pour ce qu’elles sont : non pas des objets esthétiques, mais des documents «de présence», la trace d’une expérience au cours de laquelle des enfants dits déficients et des adultes dits normaux ont mené une vie commune. Ce ne sont pas des «dessins», au sens où elles ne relèvent d’aucune intention artistique et d’aucun projet de «représenter». Deligny parlait du tracer, à l’infinitif, pour mettre l’accent sur la tension du geste en train de se faire et sur le caractère asubjectif, primordial, de ce geste. À nos yeux ces longues légendes étaient indispensables: il fallait décrire—et non pas expliquer : ces cartes n’interprètent rien sur un plan psychologique—et dire à quoi correspondent ces lignes d’erre, ces nombreux signes inventés pour désigner un point de rencontre, le lieu précis et réitéré où le geste d’un adulte a suscité celui d’un enfant, pour distinguer une ligne d’erre qui est un trajet «pour rien» d’un trajet motivé par la répétition quotidienne des tâches, pour préciser que tel enfant repérait tel jour une tâche et tel autre une présence proche, et que tel autre ne repérait rien dans l’espace.»
—Sandra Alvarez de Toledo, propos recueillis par Gwilherm Perthuis, Journal Hippocampe n°12, novembre 2013.
Cette conférence est organisée avec le généreux soutien des Amis du CRAC Alsace.