Du 25 novembre 2018 au 6 janvier 2019, Les filles de la nuit sont toujours par trois, exposition collective avec Anna Byskov, Martin Chramosta, Alice Gavalet, Camillo Paravicini, sur un commissariat de Richard Neyroud, à FABRIKculture à Hégenheim, dans le cadre de la Regionale 19.
Entre juillet et novembre 1975, Monique Wittig & Sande Zeig se sont lancées dans l'écriture d'un dictionnaire féministe. Installées dans une maison de trois pièces, surplombant les falaises de l'île de Santorin (Cyclades), nuit et jour formant leur propre société, elles ont rédigé ce qui deviendra le Brouillon pour un dictionnaire des amantes (éd. Grasset, 1976).
Ce jour nous retiendrons de ce brouillon un mot: NUIT.
«NUIT. Les filles de la nuit sont toujours par trois. Elles ont la figure noire et les membres noirs. Il arrive qu'elles peignent leurs paupières, le haut de leurs joues et leur nez en doré. Elles ont ainsi un masque brillant sous les lumières alors que leur menton et leurs mâchoires sont invisibles. Avant l'âge de gloire elles ont été chassées et poursuivies parce qu'elles vivaient la nuit. Mais elles avaient l'art de disparaître quand on croyait les tenir. Depuis l'âge de gloire, les filles de la nuit se sont multipliées.
Les porteuses de fables disent que les habitantes de la nuit ont développé des connaissances nocturnes. Par exemple elles savent quelles sont les plantes qui vivent la nuit, les fleurs qui s'ouvrent la nuit. Les porteuses de fables disent qu'elles recueillent la rosée à des heures différentes, parce qu'il n'y a pas la rosée mais des rosées qui n'ont pas les mêmes propriétés. Les porteuses de fables disent qu'elles ont des liens avec les chouettes, les lapines, les lièvres, les taupes, les serpentes, les souris, les rates, les chauves-souris, les chattes, les renardes. C'est dans le corps de ces animales qu'elles se plaisent à passer. Les porteuses de fables disent qu'il y a des filles de la nuit partout et qu'il faut habiter la nuit pour les approcher.»*
—Monique Wittig & Sande Zeig.
* La version anglaise, publiée trois ans après l'édition originale en français et traduite par Monique Wittig & Sande Zeig elles-mêmes, est tronquée; la définition du mot NUIT en est bizarrement absente.
Cette exposition est réalisée en collaboration avec FABRIKculture dans le cadre de Regionale 19.